Image promouvant le Mois de l’économie sociale et solidaire (www.lemois-ess.org) en novembre 2013
Pressé par l’impératif de diminution des dépenses publiques pour réduire le déficit public en deçà de la norme européenne des 3 %, le gouvernement a annoncé, en pleine torpeur estivale, des coupes importantes dans le financement de différents programmes de contrats aidés (Bernard et Rey 2017), dont en particulier le dispositif des « contrats d’accompagnement dans l’emploi » dont le budget a été divisé par deux par rapport au second semestre 2016 (Godin et Jardinaud 2017). Ce programme concerne étroitement le monde associatif qui est un employeur historique de ces contrats (Hély 2012), aux côtés de collectivités territoriales confrontées à des contraintes financières croissantes. En effet, le développement de l’emploi associatif doit beaucoup à ces politiques de l’emploi (Colomb 2012) qui ont été expérimentées, sous différentes formes, depuis le début des années 1980 avec les « travaux d’utilité collective » (Marchal 1986). Selon l’Atlas 2017 de l’ESS, les contrats aidés représentaient ainsi plus de 8 % de l’emploi associatif en 2014, contre 4 % dans le secteur public et 0,3 % dans le secteur privé hors économie sociale et solidaire [1] (ESS). Ces données confirment la particularité de cette relation d’emploi, où les salariés inscrits dans ces programmes sont considérés comme des « bénéficiaires d’une mesure d’insertion », qui représente aussi une forme indirecte de soutien financier de la part de l’État au monde associatif.
Les collectivités locales sous pression budgétaire
Or, le contexte dans lequel ces ajustements budgétaires sont réalisés s’inscrit dans une conjoncture inédite marquée par une diminution, désormais structurelle, du nombre total d’agents de la fonction publique. Si cette tendance était bien connue pour la fonction publique d’État, force est de constater qu’elle affecte désormais la fonction publique territoriale : selon une étude récente, fin 2015, ses effectifs (hors bénéficiaires de contrats aidés) diminuent de 0,3 %, soit une perte de 5 300 agents. Une telle baisse est inédite, soulignent les auteurs, qui relèvent que jamais « depuis 1980 » une telle évolution n’avait été mesurée et qu’elle intervient « dans un contexte de diminution de la dotation globale de l’État aux collectivités locales et de recomposition des structures intercommunales » (Yaya Ba et Duval 2007).
Ajoutons que les collectivités doivent assumer une part de plus en plus importante des dépenses publiques – notamment les prestations sociales : allocation personnelle d’autonomie (APA), prestations sociales et revenu de solidarité active (RSA) – tout en étant confrontées à une contraction des ressources (à la réforme de la taxe professionnelle intervenue sous le quinquennat Sarkozy, il faut ajouter la suppression annoncée de la taxe d’habitation pour une part importante des contribuables). Enfin, rappelons que, depuis le début des années 1980, la part des dépenses des « administrations publiques locales » dans la dépense publique globale est passée de 16 % à plus de 20 %.
L’économie sociale et solidaire : acteur montant du service public
Concomitamment, l’emploi dans le monde associatif a triplé, passant d’environ 600 000 salariés au début des années 1980 à près de 2 millions aujourd’hui. En outre, les pratiques de ce secteur, qui représente près de 80 % des emplois salariés, sont désormais structurées par le cadre juridique de l’ESS. Ces emplois s’inscrivent très largement dans le cadre des missions historiques de service public. En effet, de nombreux services sociaux et de santé ont été délégués aux opérateurs que sont les organisations de l’ESS : qu’il s’agisse de la prise en charge du handicap (ESAT [2]), de la dépendance (EHPAD [3], services à la personne), de la protection de l’enfance (sauvegardes de l’enfance), de l’insertion (associations intermédiaires, chantiers d’insertion), de la santé (cliniques associatives, maladies de longue durée : sida, cancer, etc.), de l’hébergement d’urgence de sans-domicile ou encore des activités socio-éducatives (temps d’activité périscolaire, accompagnement scolaire, centres sociaux), de l’éducation populaire et de l’animation, de la politique de la ville, sans oublier la politique familiale, la défense des droits des femmes, la lutte contre les discriminations ou encore l’accompagnement vers l’emploi (missions locales, écoles de la deuxième chance, etc.). Fin 2015, selon la DARES, les contrats aidés dans le secteur non marchand représentaient plus de 80 % des programmes. En outre, la sédimentation des différents programmes de contrats aidés, menés pendant plusieurs décennies, a abouti à la structuration d’une véritable branche professionnelle de l’insertion par l’activité économique (IAE) dans laquelle les associations régies par la loi de 1901 (associations intermédiaires et chantiers d’insertion) représentent 80 % des 130 000 salariés en insertion (Albert 2016). Les salariés en insertion embauchés par des ateliers chantiers d’insertion figurent ainsi parmi les publics identifiés comme les plus « éloignés de l’emploi » (majoritairement des hommes peu qualifiés et ayant connu le chômage de longue durée) – à telle enseigne que l’on peut s’interroger sur leurs chances d’occuper, à terme, un emploi dans le secteur marchand. Comme l’a souligné une étude de la DARES, « lorsqu’elles sont en emploi six mois après, les personnes sorties de contrats aidés du secteur non marchand (dont les associations sont le principal employeur) se réinsèrent majoritairement dans ce secteur » (Fendrich et al. 2009). Bien sûr, ce public est très différent des bénéficiaires du programme « emplois-jeunes », lancé à la fin des années 1990 par le gouvernement de Lionel Jospin, dont beaucoup étaient des diplômés de l’enseignement supérieur et dans lequel les femmes étaient davantage représentées. De même, les « emplois d’avenir professeur », lancés à partir de 2012, sont destinés à des étudiants boursiers qui assurent un enseignement dans des établissements de l’éducation nationale de 12 heures hebdomadaires maximum. Compte tenu de la diversité des dispositifs, il s’avère difficile de brosser un « portrait type » du travailleur en contrat aidé dans le secteur non marchand. Au fil des années, le monde associatif est néanmoins devenu le principal employeur de ces différents dispositifs. Il est ainsi à l’initiative de la constitution de la branche de l’IAE par la création d’un syndicat patronal : le Syndicat national des employeurs pour les ateliers et chantiers d’insertion (Synesi), créé officiellement en 2006.