L’Assemblée nationale a voté, mercredi 8 octobre au soir, dans un Hémicycle très clairsemé – seulement une dizaine de députés de l’opposition étaient présents pendant les débats – les dispositions du projet de loi sur la déontologie, les droits et les obligations des fonctionnaires. Des échanges resserrés, puisque le calendrier prévoyait des discussions se poursuivant toute la journée du vendredi 10 octobre (cliquez ici pour visionner les échanges en séance sur Acteurs publics TV).
Deux ans après la présentation en Conseil des ministres d’un premier projet de loi jamais débattu au Parlement, les députés ont voté un texte comportant 71 articles au lieu des 25 prévus. Le gouvernement souhaitait aller à l’essentiel pour mieux légiférer par la suite par ordonnances. Des dispositions du projet de loi de 2013 ont finalement été réintégrées à cette “version 2015”, à la demande de la rapporteure PS Françoise Descamps-Crosnier.
“L’examen de ce texte s’inscrit dans une actualité marquée, comme vous le savez, par des critiques adressées à nos fonctionnaires et visant, malheureusement, notre modèle de fonction publique”, a lancé la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu. Et d’insister : “Je veux redire qu’un fonctionnaire doit toujours s’adapter, être mobile et porter une démarche d’amélioration permanente du service rendu. À cet égard, face aux défis immenses que doit relever notre pays, notre modèle de fonction publique, qui sait aussi donner une place aux agents qui n’ont pas le statut de fonctionnaires – comme c’est le cas, par exemple, dans notre laboratoire Etalab – conserve bien évidemment toute sa pertinence.”
Activité d’autoentrepreneur
Peu de gros changements par rapport au texte issu de la commission des lois ont été votés. Un amendement a modifié la possibilité pour un fonctionnaire de cumuler son travail avec une activité dans le privé, restreinte par le projet de loi, qui stipule que par principe, un fonctionnaire “ne peut exercer une activité lucrative”. Il permet aux agents à temps complet “de pouvoir continuer à avoir une activité d’autoentrepreneur”, dès lors qu’il s’agit d’activités accessoires. Cela permettra d’éviter“un contournement de la loi sous forme d’activité non déclarée”, a expliqué la rapporteure, auteure de cet amendement.
Après un échange sur l’articulation entre la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et la Commission de déontologie de la fonction publique (lire notre article), les députés ont voté une série d’amendements impactant les droits et obligations des agents publics, parmi lesquels des mesures visant à aider les fonctionnaires d’Outre-mer à rentrer plus facilement dans leurs territoires.
Les principales mesures
Statut complété. “Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité”. Il est “tenu à l’obligation de neutralité”. Il exerce aussi ses fonctions “dans le respect du principe de laïcité” et doit notamment s’abstenir de manifester “ses opinions religieuses” et traiter “de façon égale toutes les personnes et respecte(r) leur liberté de conscience et leur dignité”.
Prévention des conflits d’intérêts. Chaque fonctionnaire “veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver”.
Constitue un conflit d’intérêts “toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions”. Les agents pourront aussi consulter un “référent déontologue”. Pour occuper certains postes, définis par une liste établie par décret, des déclarations d’intérêts et de patrimoine devront être transmises.
Protection des lanceurs d’alerte. “Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire” ayant dénoncé un conflit d’intérêts “dès lors qu’il l’a fait de bonne foi et après avoir alerté en vain l’une des autorités hiérarchiques dont il relève”.
Cumuls d’activités. Le fonctionnaire doit consacrer “l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées”. Il ne peut en principe “exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit”.Des dérogations restent possibles, notamment pour les agents à temps complet qui pourront continuer à avoir une activité d’autoentrepreneur, dès lors qu’il s’agit d’activités accessoires définies par un décret en Conseil d’État.
Procédures disciplinaires. Le texte harmonise les procédures disciplinaires dans la fonction publique.
Agents non titulaires. La possibilité pour les administrations d’État de recruter directement en CDI pour des postes où il n’existe pas de corps de fonctionnaires est généralisée, ce que la loi Sauvadet de 2012 autorisait à titre expérimental. Le plan de titularisation mis en place dans le cadre de cette loi est également prolongé.
Intérim. L’intérim est interdit dans les fonctions publiques d’État et territoriale.
Accords majoritaires. Après l’échec des négociations sur la rémunération des agents (dites PPCR), le texte “vise à faciliter la signature d’accords majoritaires”. Il prévoit, pour le décompte des voix, de ne prendre en compte que “les suffrages exprimés en faveur des organisations habilitées à négocier”.