Conseil supérieur de la fonction publique territoriale
Rapport « Vers l’emploi titulaire dans la Fonction publique territoriale de la Réunion : une ambition à partager »
Yvan Vialettes
Déclaration CGT
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs,
Chers collègues,
L’écriture de ce rapport portant sur la précarité de l’Ile de la Réunion aura eu un premier effet positif, à savoir mettre en lumière la triste réalité vécue par nos collègues réunionnais.
Car si dans un temps pas si lointain on avait pu, au sein de cette instance qualifier les agents de Mayotte « d’oubliés de la République », on pourrait certainement qualifier l’ensemble des salariés de la Réunion de «maltraités de la République ».
En effet, un récent rapport de la cour des comptes nous indique que cette Ile qui a connu une croissance démographique de +0,6% par an entre 2009 et 2016 et qui compte environ 1/3 de la population âgée de moins de 20 ans, a un taux de chômage de 24,6% en 2015 D’’ailleurs les chiffres avoisinent les 40% en ce qui concerne le chômage des jeunes.
Le PIB par habitant représente 59% du PIB des habitants de la métropole et le revenu moyen est inférieur de 27% par rapport aux ménages de métropole.
Les bases fiscales sont très inférieures à la métropole et de ce fait les taux d’imposition, pour ceux qui en paient, sont très élevés. Le potentiel fiscal est inférieur de 95% à celui de la moyenne nationale.
Pour nos collègues territoriaux, la réalité n’est pas plus glorieuse.
Alors que le taux d’administration est plus élevé d’un tiers par rapport à la métropole, (on cible ici la responsabilité des employeurs locaux…) le rapport de la Cour des comptes constate que les taux d’encadrement sont par contre inférieurs en catégorie A et B respectivement de 5% et 7,2% à la Réunion contre 6,8% et 11,8% en métropole.
Le rapport du Conseil supérieur constate également que les recrutements de contractuels contournent le statut général de la fonction publique territoriale en ne respectant pas les conditions dans lesquelles ils sont autorisés.
Enfin, comme a pu le démontrer le rapport, le nombre d’emplois aidés atteint des niveaux exceptionnellement élevés.
A titre d’exemple, la commune de l’Entre-deux comprend un nombre total d’emplois aidés plus élevé que celui des agents titulaires et non titulaires réunis ; la commune de Petite-Île a dix fois plus de contrats aidés que la moyenne des communes de même strate.
Les contrats aidés expliquent pour moitié le surpoids de la masse salariale des communes réunionnaises par rapport aux communes de métropole. La CGT souligne ici la responsabilité de l’Etat qui a non seulement laissé faire mais aussi fortement encouragé les collectivités à user, voire abuser de ce dispositif.
Pour la CGT, il y a une double responsabilité à cette situation.
D’une part les employeurs communaux qui sous prétexte de préserver l’équilibre social font preuve de véritable clientélisme.
Il existe une différence notable entre le taux de précarité du bloc communal et ceux des collectivités départementale et régionale. Pour ces dernières les taux de précarité sont équivalents à ceux la métropole. Ceci montre bien que cette précarité -dont on se demande si elle n’est pas organisée- n’est pas une fatalité.
D’autre part de l’Etat, qui malgré la précarité juridique des contrats de permanents a laissé perdurer, voire a encouragé cette situation.
Alors certes, la CGT a bien conscience que la situation est tellement complexe que même si demain, les employeurs souhaitaient jouer le jeu de la titularisation, les ratios de masses salariales sont tels qu’ils mettraient la clef sous la porte.
Le retour au droit commun passe obligatoirement par un plan pluriannuel.
L’urgence est de stopper le recours à l’emploi précaire et de mettre fin à cette façon de recruter.
La CGT considère que deux conditions doivent être réunies :
Tout d’abord, le recrutement de personnel doit être fondé sur les besoins des populations et non plus comme outil électoral.
La seconde concerne le nécessaire investissement financier que l’Etat et le rétablissement d’un véritable contrôle de légalité afin d’accompagner les collectivités dans cette essentielle évolution.
La CGT a pris toute sa place dans la rédaction de ce rapport et dans les préconisations qu’il propose.
Elle restera attentive aux suites qui seront données aux propositions du rapport pour répondre aux attentes des collègues de la Réunion.
Nos camarades de la CGTR ont également été force de proposition dans les différentes rencontres qu’ils ont pu avoir, avec les employeurs publics locaux, les représentants de l’Etat et même avec l’ex ministre de la Fonction Publique, Mme Annick Girardin, aujourd’hui Ministre des Outre-mer.
Ils ont notamment insisté sur la prise en compte de la reconnaissance des acquis et de l’expérience professionnelle (RAEP) dans les dispositifs de titularisation, sur la création d’une école régionale de l’administration, sur le renforcement de l’apprentissage, sur les emplois d’aide à domicile, etc.
Ces propositions démontrent que des solutions existent et ce rapport devrait permettre de mettre tous les acteurs autour de la table afin de trouver des mesures partagées qui puissent déboucher sur des actions concrètes.
La présence de la France au-delà des limites du continent européen lui confère une grande responsabilité stratégique, économique et sociale pour répondre aux besoins des populations françaises d’Outre mer.
L’Etat doit oeuvrer afin que les mots inscrits sur les frontons des mairies réunionnaises, notamment le terme « égalité » puisse enfin prendre tout son sens